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AudioBook: Madame Pierre Curie by Octave Béliard
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Madame Pierre CURIE
Parmi les auditeurs qui vinrent à Madame Curie, la première fois qu'elle monta dans la chaire de physique, il en fut, reporters de grands journaux ou curieux vulgaires, pour lesquels les phénomènes de la radio-activité n'avaient aucun attrait et que les habitués de la Sorbonne ne connaissaient point. On voulait voir la première femme qui dût accès dans le haut enseignement; on voulait voir la veuve de Pierre Curie, l'Eminence grise de ce cardinal des sciences, sortant de son activité muette pour finir la phrase que la mort avait coupée sur les lèvres de son mari, et pour continuer sa personnalité disparue. Mais peut-être avait-on surtout la curiosité indiscrète de savoir comment cette veuve portait son deuil.
Le monde ne conçoit pas que les douleurs illustres puissent demeurer secrètes; il veut sa part du spectacle. On savait l'intime collaboration de ces deux génies, ce tête-à-tête de toutes les heures. On savait qu'il n'y avait eu, pour Pierre Curie, qu'une femme, et pour Marie Sklodowska, qu'un homme; qu'ils avaient réalisé cette chose impossible, un hymen total, doublement fécond, par l'intellect et par la chair; que ces deux figures qui, tout le jour, s'étaient penchées attentivement sur le même problème, se retrouvaient, le soir, avec la même inquiétude maternelle, penchées sur un berceau. Madame Curie avait été à la fois l'ami et l'amie, ce qu'on n'ose rêver, un cerveau viril et une âme tendre. Tous deux avaient été grands ensemble; et leurs amis nous disent qu'ensemble ils avaient été bons. Concevez-vous cela, une science ardente et si profonde qu'elle eût dû être exclusive, et pourtant qui n'excluait pas le sentiment familial, la maternité, l'amour de la vie étroite autour du foyer, dans une maison où l'on entendait des pas appesantis de grand-père et des trottinements menus de petits enfants? On ne le conçoit pas, et cela était.
Et les auditeurs guettaient le frissonnement de cette femme, alors qu'elle déplacerait les signets posés par son époux sur le travail en cours d'analyse, alors qu'elle marcherait dans la trace de ses pas; que, dans la salle, rôderait son souvenir épars. Sans doute un sentiment plus fort que la préoccupation scientifique la ferait pâlir. N'interromperait-elle pas la phrase commencée pour écouter l'écho lointain d'un roulement de camion tournant l'angle de la rue Dauphine et broyant stupidement sur le pavé l'une des plus magnifiques cervelles humaines? Serait-elle, en un mot, l'être faible montrant la meurtrissure de son espoir, de sa tendresse et de sa chair?
Ou bien le professeur Curie, succédant au professeur Curie et se conformant à l'usage, en prononcerait-il l'éloge, impossible dans sa bouche?
La situation était unique, difficile, dramatique au possible. Et les auditeurs furent déçus de la voir dénouer avec autant de simplicité. Pourtant ils eurent plus que ce qu'ils demandaient: là où ils croyaient voir une femme, ils virent un homme, un savant modeste au front d'airain derrière lequel les pensées qui s'agitaient ne se laissèrent pas soupçonner.
Peut-être Madame Curie avait-elle plus d'une fois défailli en serrant dans ses bras sa petite Irène de huit ans, sa petite Ève de dix-huit mois. Mais la pudeur du savant sut cacher au monde les défaillances de la femme. Aussi bien, dans la maison du boulevard Kellermann, si la place du père de famille restait vide, ici, en Sorbonne, elle le sentait vivre en elle puisqu'elle disait leur pensée commune. L'être double s'était dédoublé, mais la vie ne l'avait pas abandonné. D'un geste noble et sans emphase, comme les héroïnes du passé faisaient dans les batailles, elle avait ramassé le glaive de l'époux expiré, si bien que, mort, il se battait encore. Rien n'était interrompu, rien n'était changé.
Etudiant, puis préparateur à la Sorbonne, fils d'ailleurs d'un médecin, Curie avait passé
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